samedi 8 septembre 2012

Un soupir en septembre


Accoudé à une fenêtre ruisselante, un jeune garçon à peine âgé de 8 ans se réfugiait dans ses pensées.  Il se tenait là, avalé par l’obscurité d’une pièce à peine éclairée d’une timide bougie que l’on avait déposée sur un bureau vierge.  Le regard perdu dans le ciel gris, il laissa mourir sur ses lèvres un long soupire, fermant ses yeux.  Penché à cette fenêtre depuis le début de l’après-midi, il répétait sans cesse le même exercice qui débutait par cette expiration, lentement laissée tombée.  Il prenait alors une inspiration profonde, remplissant le plus possible ses deux poumons et retenait son souffle aussi longtemps que le lui permettrait ses forces, les joues gonflées comme deux ballons roses.  Et il tenait bon, le visage crispé, serrant ses poings fort, si fort qu’il en laissait même des marques rouges dans le creux de ses mains.  Lorsque son corps n’en pouvait plus, que son ventre se tordait, que son dos et ses épaules se refermaient sur lui, il savait que c’était le moment de reprendre son souffle.  Il ouvrait ensuite timidement les yeux, un œil à la fois, prenant bien garde à ne pas faire de mouvements trop brusques.  Si par malheur son chat Gustave, un petit chat blanc aux oreilles et à la patte droite noires, se trouvait dans la pièce, ou que son père montait la voix à l’étage d’en dessous, ou, pire encore, que lui-même ne pouvait retenir un fou rire, il savait que tout était à recommencer.  Il fallait comprendre, et cela, lui seul le savait, que celle qu’il souhaitait voir était si timide, que même un coup de vent aurait pu faire rater l’opération !  Ce rituel très précis avait été soigneusement élaboré dans la crainte de ne la brusquer, de ne la surprendre, ou de lui faire peur… Jamais elle n’avait accepté de se montrer à lui, mais il le savait, elle viendrait.  La magie peut se faire parfois très timide ! Mais heureusement pour lui, son père lui avait appris la détermination et la patience d’attendre.  Malgré tout, à chaque fois, la déception savait gagner son petit cœur.  Bravement, il chassait sa tristesse, et recommençait son travail, sans jamais baisser les bras.  Mais cette fois-ci, il lui semblait bien que l’air était plus froid, le silence plus profond, et qu’un léger chatouillis lui caressait l’oreille droite.  Il ouvrit alors son œil droit, très très lentement, et…

-          Oh zut, ça n’a pas marché…Mais pourquoi ne vient-elle pas à moi…

Plus loin, la voix de son père se fit entendre, sèchement.

-          ‘Ly, le dîner est prêt, ne traîne pas !

Le petit homme fit la moue, déçu plus que jamais.

-          La prochaine fois, tu viendras hein ?
-         
-          Oh allez… C’est pas drôle quand je ne te vois pas…
-         
-          Et encore moins quand je ne t’entend pas…
-          ‘Ly, descend tout de suite, sinon je me fâche !, gronda alors son père depuis la cuisine.
-          Aie… Je dois y aller… Bisou, tu me manque !

Et le petit dévala l’escalier en moins de deux, oubliant la chandelle sur son bureau.  La flamme vacillait tranquillement, jusqu’à ce qu’un souffle la fit mourir, ne laissant plus qu’une traînée de fumée montant vers le plafond. 

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