Accoudé à une fenêtre
ruisselante, un jeune garçon à peine âgé de 8 ans se réfugiait dans ses
pensées. Il se tenait là, avalé par
l’obscurité d’une pièce à peine éclairée d’une timide bougie que l’on avait
déposée sur un bureau vierge. Le regard
perdu dans le ciel gris, il laissa mourir sur ses lèvres un long soupire,
fermant ses yeux. Penché à cette fenêtre
depuis le début de l’après-midi, il répétait sans cesse le même exercice qui
débutait par cette expiration, lentement laissée tombée. Il prenait alors une inspiration profonde,
remplissant le plus possible ses deux poumons et retenait son souffle aussi
longtemps que le lui permettrait ses forces, les joues gonflées comme deux
ballons roses. Et il tenait bon, le
visage crispé, serrant ses poings fort, si fort qu’il en laissait même des
marques rouges dans le creux de ses mains.
Lorsque son corps n’en pouvait plus, que son ventre se tordait, que son
dos et ses épaules se refermaient sur lui, il savait que c’était le moment de
reprendre son souffle. Il ouvrait
ensuite timidement les yeux, un œil à la fois, prenant bien garde à ne pas
faire de mouvements trop brusques. Si
par malheur son chat Gustave, un petit chat blanc aux oreilles et à la patte
droite noires, se trouvait dans la pièce, ou que son père montait la voix à
l’étage d’en dessous, ou, pire encore, que lui-même ne pouvait retenir un fou
rire, il savait que tout était à recommencer.
Il fallait comprendre, et cela, lui seul le savait, que celle qu’il souhaitait
voir était si timide, que même un coup de vent aurait pu faire rater
l’opération ! Ce rituel très précis
avait été soigneusement élaboré dans la crainte de ne la brusquer, de ne la
surprendre, ou de lui faire peur… Jamais elle n’avait accepté de se montrer à
lui, mais il le savait, elle viendrait.
La magie peut se faire parfois très timide ! Mais heureusement pour lui,
son père lui avait appris la détermination et la patience d’attendre. Malgré tout, à chaque fois, la déception
savait gagner son petit cœur. Bravement,
il chassait sa tristesse, et recommençait son travail, sans jamais baisser les
bras. Mais cette fois-ci, il lui
semblait bien que l’air était plus froid, le silence plus profond, et qu’un
léger chatouillis lui caressait l’oreille droite. Il ouvrit alors son œil droit, très très
lentement, et…
-
Oh zut, ça n’a pas marché…Mais pourquoi ne
vient-elle pas à moi…
Plus loin, la voix de son père
se fit entendre, sèchement.
-
‘Ly, le dîner est prêt, ne traîne pas !
Le petit homme fit la moue,
déçu plus que jamais.
-
La prochaine fois, tu viendras hein ?
-
…
-
Oh allez… C’est pas drôle quand je ne te vois
pas…
-
…
-
Et encore moins quand je ne t’entend pas…
-
‘Ly, descend tout de suite, sinon je me fâche !,
gronda alors son père depuis la cuisine.
-
Aie… Je dois y aller… Bisou, tu me manque !
Et le petit dévala l’escalier
en moins de deux, oubliant la chandelle sur son bureau. La flamme vacillait tranquillement, jusqu’à
ce qu’un souffle la fit mourir, ne laissant plus qu’une traînée de fumée
montant vers le plafond.
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