Je suis malade.
Quand j'étais jeune, ma maman m'a déjà demandé si j'avais mal au cœur, un jour où j'étais plus blanche qu'à l'ordinaire et où j'avais envie de vomir.
Je ne comprenais pas le rapport avec mon cœur, parce que je l'ai écouté et il faisait toujours boum boum, comme à son habitude.
Je me suis dis que c'était une grande personne, qu'il ne fallait pas essayer de les comprendre, eux, alors je ne lui ai pas fait la remarque. De toute façon, maman n'aime pas quand je rouspète, elle me l'a déjà dit.
Plus tard, beaucoup plus tard (on avait dû changer le calendrier au moins 4 fois !), ma maman est décédée. J'ai eu beaucoup de peine, puisque c'est ce qu'il faut, et j'ai pleuré autant que je le pouvais. Quand on a enterré maman, je pleurais toujours. Je regardais la pointe de mes souliers rouges, ceux qu'elle m'avait offert à Noël qui avait eu lieu quelques jours avant, en pleurnichant comme il se doit. Ma tante Jacqueline s'est alors approchée de moi et m'a prise dans ses bras. Elle sentait le fromage, mais je ne lui ai pas dit, parce que c'est une grande personne et qu'il ne faut pas chercher à comprendre. Elle a murmuré " Pauvre cocotte, elle a le cœur brisé ", et je n'ai pas compris. J'ai pourtant vérifié, et il faisait toujours boum, boum, comme à son habitude.
Aujourd'hui, je suis beaucoup plus grande, et j'ai compris beaucoup de chose.
Je suis maintenant malade comme il se doit et je crois que ça m'a fait grandir. C'est ce que les gens disent quand ils me croisent à l'hôpital. C'est arrivé sans que je ne m'en rende compte, comme la foudre, si on peut dire.
J'étais au café de l'hôpital, occupée à boire un café parce que, vous vous en doutez, c'est ce qui est conseillé de faire dans de tels occasions. Il était très chaud, je m'en souviens, parce que c'est à ce moment-là que je suis tombée malade. J'ai croisé ses yeux, sans faire exprès, et j'ai senti mon cœur se froisser, se plier, se tordre de douleur. J'ai tendu l'oreille, par exprès, et je ne l'entendais plus, mon cœur je veux dire. Il s'est remis à fonctionner, tout juste quelques secondes après, mais je savais que c'en était fini de lui. Je l'avais perdu, il ne battrait plus jamais comme avant.
J'ai fréquenté le garçon pendant quelques temps, croyant qu'il pourrait me soigner. Dans ma tête, ça me paraissait logique, puisque c'était de sa faute si mon cœur avait bondit. Sauf qu'il n'a pas eu l'air de comprendre, et quand je lui ai dis que mon cœur était entre ses mains, il a froncé les sourcils, et il est parti avec, sans jamais me le redonner. On m'a alors dit que je devais avoir le cœur " brisé ", mais je ne pouvais plus vérifier, puisqu'il n'était plus à sa place.
L'hôpital, vous savez, ce n'est pas toujours rose.
Quand j'ai demandé au médecin qui travaillait avec moi si on pouvait vivre sans un cœur, il m'a dit que c'était IMPOSSIBLE, sauf peut-être avec des machines.
Alors je lui en ai demandé une.
Il a sourit en me demandant pourquoi je croyais en avoir besoin.
Alors je lui ai expliqué. Tout tout tout, du début à la fin.
Et tout d'un coup, à force de lui parler, j'ai senti mon cœur se resserrer, et j'ai compris qu'il était revenu. Ce médecin, ce n'était pas n'importe qui, j'en avais la preuve.
Et tranquillement, mon cœur a pris un nouveau rythme.
Et, sans m'y attendre, toujours comme la foudre, j'ai ressenti mon cœur fondre.
Tout était à recommencer.
J'avais rattraper la maladie.
Mais cette fois-ci, je savais que ça allait bien se passer.
Avec un médecin, c'était assuré.