J'sais pas quoi te dire.
J'sais pas quoi te dire et ça me fout les jetons.
Le bips des machines m'assourdissent et rendent mon raisonnement confu.
En fait, c'est même pus de la confusion, je deviens juste stupide.
La stupidité, parraît que ça a ses avantages, mais pas pour aujourd'hui.
Je le sais, j'entend ton souffle qui survis, je le sais.
Y faut que je dises de quoi, mais je sais pas quoi.
J'ai envie de te dire que j'ai la chienne, que j'ai juste la fucking chienne.
Que je sais pas qu'est-ce que ça va donner, après je veux dire.
Je sais pas à quoi m'attendre, je sais pas comment dealer avec ces affaires-là.
Pis ça, j'peux pas te dire ça.
Je peux pas, parce que je vais avoir l'air sans coeur.
Je vais avoir l'air égoïste, PIS, sans coeur.
Fek je le dis pas, tu comprends, je le dis pas.
Je t'épargne en silence et ya que moi qui le sait.
Ça fait combien de temps que ça dur ?
Une couple de mois certains.
Même autour de nous, ça se jasait, ça se jase encore.
Sont là dans la pièce d'à côté, pis ça jase. Plus que moi entéka.
Tsé qu'on en a jamais vraiment parlé.
On a vécu ça chacun de son bord...
J'pourrais répéter les mêmes choses qu'ils racontent, je pourrais.
Mais j'ai pour mon dire que dans ces occasions-là, c'est mieux quand ça vient de tes trippes à toi.
Pis les miennes sont vides. Ya que le silence pour combler le tout.
J'ai beau tenir ta main, j'ai beau compter les bips, j'ai beau retenir mon souffle, je sais ben que c'est pas assez.
C'est la stupidité qui m'emporte, l'absence de guts, la présence de peur.
Qu'est-ce que tu veux que je dises.
Que je vais passer au travers avec toi ?
J'ai juste envie de sacrer mon camps en courant.
Tu veux que je te jure t'aimer jusqu'à la mort ?
Juste prononcer ce mot-là, mort, ça me donne des frissons.
Pis hello le malaise après...
Tu veux que je m'excuse pour mes conneries d'ados attardés ?
Pour les soirs où je prennais un verre de trop ?
Pour mon absence de responsabilité et la présence d'immaturité ?
Non, non. Tu veux pas entendre ça, c'est pas le moment.
Je sais pas ce que tu veux entendre...
mais je me doute de ce que tu veux pas te faire dire.
Tu veux pas te sentir seule, tu veux pas que je m'excuse.
Tu veux pouvoir compter sur moi, que je sois le gars qui te faut jusqu'à la fin.
Je sais pas si je suis tout ça, mais je reste là.
Au moins je suis là.
Je capote, tout le monde s'active autour, les bips sont plus rapides.
J'ai même plus besoin de regarder le moniteur pour comprendre, je le vois dans tes yeux.
C'est presque fini.
C'est presque fini pis j'ai toujours rien dit.
Qu'est-ce qui faut que je dise... P'pa, qu'est-ce que t'aurais dis toi ? Qu'est-ce que t'as dis quand c'était maman ?
Tout le monde cours, j'ai l'impression d'être dans le chemin, mais ta main me serre encore plus fort alors je me dis que je peux pas me tasser, que je dois rester là. C'est comme si tu me rassurais que c'était ma place, ici, à tes côtés. C'est toi qui vis ça, pis c'est toi qui me rassure. Maudit que ça a pas de bon sens. Ta respiration s'accélère, ton rythme cardiaque aussi, tu cris, tu serres les dents, tellement que j'ai l'impression que tu vas fendre en deux. C'est peut-être une belle façon de résumer ce qui se passe, en réalité. Tu te fends l'âme en deux ma belle. La vie, la mort. Tu réussis ce que moi j'aurais jamais réussi, ce qu'aucun homme ne pourra jamais réussir non plus. Ya que toi et maman, pour réussir des trucs demême. Être là, sur ce lit d'hôpital, pis toujours avoir l'air fière, toujours avoir l'air zen. T'as le courage qui te rempli la face, la force qui te sort des yeux. Tu vois pourquoi je parles pas ? Je suis pas Cyrano moi, les mots, je les ai pas.
J'ai les jambes qui shakent, l'envie de pisser me pogne, mais je me retiens : c'est pas le temps de flancher. On me dit que tout va bien, qu'il ne reste plus grand temps. L'infirmière me regarde, l'air de dire « awaye, parles-lui, dis quelque chose sinon tu vas le regretter pour le reste de tes jours». Ya pas un mot qui sort, pas un son non plus, sauf peut-être celui de ma gorge qui avale difficilement, asséchée de stress.
Tout à coup, on me pousse de là, ça s'accélère encore plus, ça crit un peu moins, tout le monde retiens son souffle. Et tout à coup, plus un son, plus un seul... jusqu'à ce cri sorti tout droit du fin fond des trippes. Celui qui rempli le vide à lui seul, celui qui restera gravé dans plusieurs mémoires. Un pleure infini, une promesse d'amour, des mains qui se serrent, épuisées du combat et qui, lentement, se détendent. Plus de pression. Plus de stress. Le silence est comblé.
Finalement, un dernier regard sur ma douce, je la regarde les yeux bourrés de larmes et je me dis que je l'aime. Je l'aime de tout mon coeur, la face mouillé comme c'est pas permis, la morve au nez aussi. Je suis pas Cyrano, mais je m'essaie quand même, c'est le temps. « Ma belle, j'suis là. Criss, j'suis devenu papa. » Promesses d'amour.
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