mardi 1 septembre 2009

Abandonnée/er

Abandonnée dans le cœur de celui qui l'aimait autrefois, la fille qui fut jadis femme se dirigea vers la falaise. Sa blessure la rendait vulnérable, fragile, gamine et incapable de toute prise en charge d'elle-même. Elle avait maintenant peur, se sentait seule, perdue, tiraillée entre le désir de demander de l'aide avouant ainsi un besoin qu'elle se refusait, et celui de jouer la folle. Cette fuite lui était accessible à tout moment, et simplement. Il lui suffisait seulement de lâcher prise sur son esprit et de se laisser vaguer dans le néant jusqu'à la fin des temps. Solution alléchante lorsque sa raison de vivre venait de lui échapper, balayée d'un revers de main. Elle avait passé sa vie à cultiver un amour inconditionnel, profond, sincère, ancré dans chaque parcelle de son âme, dans chaque facette de sa personnalité. Un amour de jour, de nuit, mais de levé de soleil également, comme ces deux là aimaient tant contempler à l'époque. Elle ne comprenait pas, ne comprendrait jamais, et cherchait de moins en moins à comprendre au fur et à mesure que ses pas la guidaient. Elle pleurait des larmes sèches, le regard perdu, sentant sa raison la quitter peu à peu. À quoi bon lutter, elle se sentait morte depuis déjà quelques jours qui lui paraissaient des millions d'années. Sa douleur était insupportable, mais la vie le lui était bien plus encore. Un futur quelconque lui était désormais impossible, elle était prisonnière de son passé, pour toujours, et en avait conscience. Elle contempla l'horizon une dernière fois, remplit ses poumons d'air, ce qui lui donna l'illusion d'avaler le courage qu'il lui fallait pour se laisser tomber. Elle sera les poings, baissa la tête, vaincue, et s'effondra de tout son poids.

Élizabeth mourut ce jour là.

Quelques jours plus tard, on la retrouva écroulée qui serrait contre son cœur la pierre tombale de son mari. Le regard vide, l'âme absente, elle caressait les lettres qui formaient le nom du défunt que l'on avait enterré au sommet de cette falaise où il l'avait demandé en mariage, et marié par la suite. Elle murmurait un langage incompréhensible, certains disant qu'elle avait vendu sa raison en échange de la maîtrise d'une langue étrangère pour tous, à l'exception de ceux de l'au-delà. On raconte qu'elle lui parlait sans relâche, murmurant probablement des mots d'amour, souriant quelques fois pour des raisons qui échappaient à tous. On lui construisit une petite maison qui habita la pierre tombale ainsi qu'Élizabeth, jusqu'à ce que la mort vienne véritablement la chercher. On l'enterra finalement au même endroit, par soucis de commodité, mais aussi parce que c'était ce qui leur semblait le plus approprié, vu les circonstances.

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